VII : Dernière musique obscure de la nuit peinte

Le 3 mars dernier, VII, rappeur atypique et emblématique de la scène rap française, nous a fait le plaisir de nous dévoiler un nouvel opus, « Dernière musique obscure de la nuit peinte ».

Premier titre « Nosferatu ».
Autant dire que le disque ne commence pas en douceur. Instru sombre et mélancolique, dégageant une atmosphère de souffre, non sans rappeler certains films de genre… Elle est l’oeuvre, comme la majorité des prods de l’album, du très talentueux Dj Monark, beatmaker de VII depuis plusieurs années et moitié du label Rap and Revenge…
(Le rappeur et beatmaker Euphonik a également contribué à la production du disque).
On sent dans « Nosferatu », hautement efficace, un VII un petit peu moins dans une dimension intellectuelle de recherche de la phrase « juste ». Il est essentiellement question de punchlines brutes et agressives, qui se marient parfaitement à l’obscurité de la prod, et ce pour notre plus grand plaisir.
VII démontre qu’il peut également œuvrer dans quelque chose de plus « simple », tout en préservant son ingéniosité. Ce titre est un coup de poing en plein dans l’estomac…
 
 
S’en suit en deuxième titre « Aquarelle », niveau beat, on change radicalement d’atmosphère. Quelque chose de plus innocent, angélique, presque pur, se dégage de l’instru.
VII narre des punchlines réfléchies dans un prisme clair-obscur. Il semble à la fois désabusé par l’hypocrisie de l’homme occidental et sa société dégénérée, mais parsème parfois le texte de petites lueurs d’espoir, ne faisant que confirmer son recul et sa maturité…
« Ya comme de la chaleur humaine dans le froid de mes yeux », « Cent pour cent indépendant, j’en attendais pas tant », « J’suis rien qu’un prototype, ma fille fera le reste… »VII, père d’une petite fille de quatre ans, lui envoie beaucoup d’amour à travers ce disque.
Revenons à « Nosferatu », premier titre, et, en compétition avec « Un animal dans le mirroir », le plus agressif de l’album. VII y rappe « Poto si t’es fidèle je te rends la pareille, ma fille c’est ma richesse rien ne compte à part elle ». Ou encore, plus tard dans le disque « Je me régale en écoutant les chansons de ma fille »… C’est toujours un grand plaisir d’entendre VII témoigner de l’amour et saluer sa fille, cela apporte une dimension encore plus touchante à l’album, car ce n’est plus VII le rappeur qui nous parle, c’est le père de famille, l’homme…
Dans « L’usage des armes lentes », troisième titre de l’opus, VII se montre plus noir.
L’instru est sombre, registre dans lequel excelle Monark. VII sublime la prod en évoquant notamment des thèmes comme le désastre environnemental actuel, les guerres, les injustices. Mais, une pointe de positivité y est toujours présente. « Les rêves sont des tremplins vers ton immortalité, nous serons les seigneurs de l’instrumentalité ». Espoir et courage, face à un monde quasiment réduit en cendres…
 
 
« L’appareil à spleen », cinquième piste, suivant une magnifique interlude instrumentale de Monark, est l’un des titres les plus singuliers du disque.
Le son s’impose comme plus lancinant, le bpm semble ralenti, VII interprête plus lentement. Il y a un côté « planant » et le sample choisi dégage une certaine forme de lumière…
« Et mon histoire n’est pas si grave, je n’oublies pas les jours joyeux. » VII relativise. Encore une fois, malgré le titre du morceau, où l’on pourrait éventuellement s’attendre à quelque chose rappelant ses sons les plus mélancoliques « Post-Mortem, Comme un chien enragé, Le masque de Nô » et j’en passe… Et bien non, VII fait la part des choses et parsème une nouvelle fois ses textes essentiellement tristes d’un espoir qui fait réellement du bien..
 
 
« Manteau de larmes », sixième titre du projet, où VII pose avec le talentueux Euphonik, semble être une démonstration lyricale. « À qui fera la phrase la plus belle phase ? » en quelque sorte… Une compétition involontaire s’établit entre les deux poids lourds qui écrivent tous deux sublimement bien, et cette démonstration d’écriture élégante a une dimension réconfortante. En effet, on se laisse bercer par les mots magnifiques des deux mc’s, parfaitement à l’aise et maîtres de leur arts.
 
Huitième titre, « Krystal ». Instru envoûtante dans une tonalité entre anges et démons, et un texte taillé au scalpel truffé de références complexes et de belles envolées lyriques (au sens le plus nôble)… VII s’y montre également amer, avec des punchlines bien cinglantes (pour ne pas dire assassines) comme il sait si bien le faire… « La pierre la plus minable contient du krystal » (Nouvelle touche d’espoir…)
 
Afin de ne pas trop en livrer sur l’ensemble du disque, bien qu’il soit sorti il y a déjà quelques temps, nous n’épiloguerons pas sur le reste de l’album « titre-par-titre »…
 
Les morceaux « Comme un revolver vide », « Palmer Eldritch », « Aquarelle », mais SURTOUT, le monstrueux « Un animal dans le miroir », où VII mêle avec virtuosité punchlines meurtrières et lyricisme pur, sont  les autres points forts de l’album.
 
 
En somme, VII et Monark signent ici un sans faute.

Un album essentiel et cohérent, conscient, où la beauté des phases, les diverses (et complexes) références inscrites dans une palette clair-obscur parfaitement maitrisées, font de « Dernière musique obscure de la nuit peinte » le projet le plus abouti de VII.

Un avis sur « VII : Dernière musique obscure de la nuit peinte »

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